Dialogue d’un autre genre

Nous sommes en septembre 2013, c’est le jour du départ. Après quelques années de loyaux services, je quitte l’agence Internet dans laquelle je travaillais comme chef de projet, et mon métier par la même occasion.

A l’occasion du pot de départ, mes collègues m’offrent un nécessaire Camping-gaz.

« Alors, que vas-tu faire maintenant ? » m’avaient-ils demandé.
– Je ne sais pas encore. Tout ce que je sais, c’est que je veux partir deux semaines dans la nature, seul, pour camper, isolé du monde et de la technologie. Pas d’ordinateur, pas de smartphone, pas d’appareil photo, pas de voiture sur place. » (Mon téléphone n’aura finalement servi que d’horloge pour ne pas manquer les horaires d’ouverture du marché.)

J’ai posé la tente sur le terrain boisé d’un gîte isolé appartenant à un couple d’Anglais, au sud de Carcassonne, à Rennes-le-château. Sanitaires sommaires à proximité avec douches froides. Sur place j’apprends que le mont que j’aperçois au loin est celui de Bugarach. Un site énergétique populaire dans les communautés spirituelles. En fait, c’est toute la région qui jouit d’un riche patrimoine. C’est le pays des Catarrhes, de leurs trésors mystérieux et des richesses de leur culture. Libres et insoumis au prosélytisme de la religion catholique, on dit d’eux qu’ils vivaient en harmonie, tant dans leur relation à eux-mêmes qu’entre hommes et femmes, et avec les règnes de la nature.

Mais je ne vais pas en savoir beaucoup plus car mon intention pendant cette retraite n’est pas de visiter les lieux.

La saison estivale vient de se terminer et tous les campeurs ont désertés le site. Pendant quelques jours, seule une anglaise s’installera un peu plus loin avec sa tente. Elle est électro-sensible et supporte mal les ondes électromagnétiques artificielles. Pour cette raison elle s’arrête uniquement dans des lieux préservés, comme celui-ci.

Cet endroit était parfait pour moi. J’avais ressenti ce besoin impérieux de m’isoler loin de toutes sollicitations. Juste l’envie, le besoin de me laisser de l’espace, me relier à la nature, me laisser être moi-même, dans l’introspection, guidé par l’émergence de la vie, au rythme du jour et de la nuit, pour me redécouvrir, me laisser inspirer, et prendre le temps d’intégrer les riches expériences et bouleversements intérieurs que j’avais vécus ces dernières années.

Depuis ce camping sous les bois, j’écrivais, je me promenais, je me reliais à la nature, je contemplais et surtout, je méditais, chaque jour.

Un après-midi, alors que j’étais plongé dans le silence, une expérience singulière m’a bouleversé.

Voilà un long moment que j’étais assis sur l’herbe, au soleil, face à une magnifique clairière où paissaient quelques chevaux. J’étais bien.

Puis j’ai senti comme une nécessité de me lever. Une injonction claire mais très douce et bienveillante. Alors je me suis levé et j’ai marché, très lentement, comme guidé par une voix à l’intérieur de moi. Cette voix résonnait comme ma propre voix. Elle était simplement beaucoup plus posée et directe.

Rapidement je comprends que je suis dans un état de conscience modifié qui me laisse « entendre » clairement une guidance élevée, bien plus sage que ma petite personne, au point de pouvoir entretenir un dialogue serein et ininterrompu avec elle.

Déambulant sur le petit chemin de terre, j’avance lentement, contemplatif. Je suis en pleine conscience de chacun de mes gestes, très lents et fluides. L’état dans lequel je suis est si paisible… Ma respiration est libre, profonde et légère. Je m’efforce de suivre le flux lent qui me berce pour éviter de perdre la connexion.

Quand mon mental s’emballe face à l’euphorie de cette expérience, la Voix me souffle amicalement et fermement « Maintiens la présence. ». A peine mes pensées tergiversent-elles que la Voix me ramène à elle. Elle ne laisse place à aucun doute. Ma confiance devient totale. Au fond de moi je le sais désormais, c’est l’évidence même que j’entends.

J’avais l’habitude de m’intérioriser mais je n’avais encore jamais entendu cette Voix. En tout cas, pas aussi distinctement, pas de façon aussi intelligible, pas avec cette intensité. C’était tellement bon, sécurisant, tellement agréable… Moi qui avait l’habitude de toujours douter et cogiter, je sentais là un espace de conscience que rien n’ébranle.

Je réalise alors que lorsque des questions émergent en moi, la Voix répond instantanément avec assurance. Je remarque que plus la question est profonde et sincère, plus la réponse est claire et précise. Et lorsqu’elle n’est formulée que superficiellement par l’intellect qui cherche à la cerner, la réponse qui résonne reste vague ou énigmatique, comme s’il m’était impossible d’entendre quelque chose que je ne serais pas prêt ou disposé à entendre.

Ne pouvant déstabiliser cette Voix, mon ego-mental, dont je ressens les vibrations plus basses, s’incline humblement et s’efface naturellement pour laisser la place à un dialogue authentique.

En réalité, dans la pureté et la joie de cette expérience, je n’avais qu’un sujet très personnel qui me préoccupait. Il m’est difficile de savoir quels mots exacts j’ai pu formuler pour poser ma question, d’autant plus qu’à peine avais-je l’intention de faire une demande, que la réponse était déjà là, émergeant simultanément avant même que je demande. La guidance savait déjà tout de moi…

Elle savait que je ne me croyais jamais assez bien, assez parfait, assez compétent. Elle savait que je me trouvais trop singulier, trop différent, trop compliqué. Elle savait que je souffrais de mes doutes et de mon instabilité intérieure. Et surtout, elle savait que je me comparais souvent aux autres, en particulier aux gens éveillés, heureux et épanouis, et à ces personnes connectées à l’invisible pour qui les choses semblaient toujours plus claires, plus évidentes, plus palpables. Pourquoi n’ai-je pas moi plus de clairvoyance, plus de sensibilité énergétique, plus de perception de l’invisible ? Pourquoi ces personnes que je côtoie dans le milieu spirituel perçoivent-elles si clairement des images, des sensations, les petits être de la nature ou encore leur guide ? Pourquoi n’ai-je pas plus de capacités, de dons, de perceptions ou d’évidences dans ma vie, pour répondre à mes questions ?

Il m’a fallu à peine une seconde pour penser à cela. Et la réponse, claire, posée, précise, évidente, n’a pas mis plus de temps à résonner dans les profondeurs de mon être : « Tu n’en as pas besoin. »

« Tu n’en as pas besoin ! » …

Je le savais… mais oui je le savais ! Mais il semble que j’avais besoin de cet écho venu des profondeurs de mon être pour valider cette intuition et m’assurer que ce n’était pas qu’une croyance dans laquelle je me confortais. Avec cette réponse, et le dialogue tranquille qui s’en est suivi, j’avais l’impression forte que rien ne me surprenait dans ce qui m’était dit. Tous les mots résonnaient en moi comme la plus parfaite évidence. Oui, l’intuition était présente depuis longtemps. Simplement je l’entendais ici dans un espace où le doute n’existe pas, où la vérité vibre si intensément qu’elle nourrit inévitablement la foi, la conviction.

Nourri d’un profond sentiment de soulagement et de gratitude, l’effet s’est ensuite estompé et j’ai retrouvé un état de conscience ordinaire.

Cette expérience a été révélatrice pour moi. Croyez-vous comme je l’ai cru qu’il vous manque certaines capacités de perception ? Vous êtes-vous déjà demandé à quoi elles pourraient vous servir ? Vous seraient-elles vraiment bénéfiques ? Qu’en feriez-vous de meilleur que ce qu’il vous est donné aujourd’hui ?

(Extrait du livre à paraître Le Vent ne souffle jamais trop fort)

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